10 artistes, 60 polaroïds « … les photographies qui saisissent davantage sont celles où l'imperfection même du procédé pour rendre d'une manière absolue laisse certaines lacunes, certains repos pour l'œil qui lui permettent de ne fixer que sur un petit nombre d’objets ». Eugène Delacroix, Journal, 1er septembre 1859 Le Polaroïd fut jugé obsolète par plusieurs avec l’avènement du numérique qui aurait, dit-on, contribué à sa perte, à la faillite de l’entreprise. Chronique d’une mort annoncée? L’intérêt pour le Polaroïd n’a pourtant jamais vraiment cessé d’inspirer les pratiques et connaît aujourd’hui un regain d’intérêt. Un nombre important de jeunes photographes ont adopté ce procédé ou redécouvre aujourd’hui ses qualités esthétiques, valorise tout ce qui échappe à la perfection technique du numérique qui avait, semble-t-il, contribué au discrédit du Polaroïd. Depuis quelques années, les expositions et les monographies se succèdent afin de faire connaître au public spécialisé son histoire et la diversité des esthétiques qui en résultent. Ce regain d’intérêt serait attribuable à une saturation, voire même à une forme de rejet de la quête incessante de perfection technique et de la haute définition auxquelles nous ont habitués les avancées technologiques dans le domaine de la photographie. Retour de balancier? Nostalgie? Réaction à l’esthétique froide du numérique? Voilà des questions auxquelles nous nous proposons de réfléchir. Est-on en train de voir s’affirmer en photographie une esthétique de l’imperfection comme on a vu s’affirmer une esthétique de l’impureté? C’est ce que nous croyons. Une autre hypothèse qui permettrait d’expliquer cet engouement et que nous pourrons vérifier ultérieurement est la production immédiate de l’image-objet, qui distingue fondamentalement le Polaroïd du numérique et transforme la relation du photographe à son sujet, instaurant un lien social. Partant d’un choix d’œuvres réalisées par une dizaine de jeunes de photographes et artistes montréalais, l’objectif de l’exposition est de réfléchir à l’ensemble des questions soulevées ici et de poser un regard actuel sur les enjeux esthétiques. Par : Serge Allaire
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